lundi 19 septembre 2011

Dans Sud-Ouest, lundi 19 septembre

Des extraits de l'article de Gilles Guitton paru dans Sud Ouest lundi 19 septembre

titre : Malek Chebel bouscule l'islam


L'universitaire favorable à « l'islam des lumières » suscite un débat politique et religieux.
Comme on s'y attendait, la venue de Malek Chebel à la séance d'ouverture du Campus solidaire, jeudi dernier, a attiré une affluence inhabituelle aux Terres-Neuves. Par son nombre mais aussi par sa composition : nombre de pratiquants de l'islam « de base » ou d'habitants originaires de pays musulmans mais pas forcément croyants pour autant, côtoyaient le public habituel de cette université ouverte. Et pilotée depuis par le Centre socioculturel de l'Estey, qui a joué en l'occurrence avec efficacité son rôle de passerelle entre le monde des intellectuels et celui des citoyens.
La projection de « Chara'a », le documentaire tourné pour l'occasion par Frédéric Pénard à Bègles et dans l'agglomération (lire « sud ouest » du 12 septembre), était une excellente introduction.


Présenté par un Noël Mamère saluant les révolutions arabes et « les femmes syriennes, souvent leaders du mouvement » et par Nadia Benjelloun Touimi, l'élue en charge du Campus, Malek Chebel s'est montré fidèle à lui-même.


« Il y a l'islam de la révélation, celui du Coran et du Prophète. Celui-là, je n'y touche pas », dit-il. Auteur d'une traduction récente, il interroge : « Il y a des versets que nul n'a pu comprendre. Qui nous dit que l'essentiel n'est pas là ? »


Interrogé plus tard par un participant sur l'authenticité du texte actuel, il juge : « Celui qui compte, c'est celui qui est aujourd'hui la référence de tous. »


Puis il y a l'islam historique, dès la mort de Mahomet. Et là, on entre à ses yeux dans le royaume de la politique, de l'interprétation tenant au contexte. « Il y a eu des époques où l'Islam a connu des âges d'or » : le philosophe médiéval Averroés, la renaissance arabe, le XIXe siècle : « Déjà un islam porteur de valeurs humanistes ». D'où sa conviction que le XXIe siècle peut en délivrer une nouvelle version. Et c'est alors chez Emmanuel Kant, l'inventeur de la « philosophie des lumières » au XVIIIe siècle, qu'il va chercher alors des exemples.


Pour dire « la politique, la sexualité, le rapport à la femme : il n'y a que l'interprétation que nous pouvons faire qui doit avoir force de loi ».


Au moment du débat, Noël Mamère l'interpelle sur la politique et la crainte de l'instauration de la charia en Libye. « On peut craindre le pire. On peut voler aux peuples leur révolution. Leur mouvement est déjà devenu un enjeu géostratégique », se désole Malek Chebel. Une jeune femme au foulard impeccable remarque qu'elle n'a jamais rencontré le mot « problème » - un favori de l'anthropologue - dans le Coran. L'islamologue en profite pour évoquer les versets « de circonstance », qui « parlent aux gens du VIIe siècle », pas à ceux d'aujourd'hui. Il y classe ceux sur la guerre sainte, « qui font référence à une époque de guerre des tribus ». Ou ceux sur l'héritage inégal des filles.


À une autre jeune femme qui dit : « Je lis le Coran comme un livre d'histoire, pour voir les choses à ne pas commettre », Malek Chebel oppose bizarrement son rejet « de toute lecture magique et occultiste », de « ceux qui prétendent que la Coran parle du cancer pour vendre du papier ». On a parfois l'impression qu'il répond non pas seulement aux questions ou aux objections, mais aussi aux pratiques et aux arguments des intégristes qu'il pourfend : « Ceux qui ont essayé », après le 11 septembre 2001, « de faire croire qu'il fallait que les musulmans se séparent des autres dans notre pays ». « Je respecte l'imam en tant qu'imam à la mosquée. Dans la rue, je le respecte comme citoyen », explique Malek Chebel dans une vibrante profession de foi laïque.


On se demande parfois jusqu'à quel point cet universitaire à la notoriété internationale est lui-même croyant. Mais il a répondu par avance, citant les textes : « Je demande à celui qui croit de ne pas chercher ce qui est dans mon cœur. »

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