Débat public autour du film
De Philippe Borrel
« Un monde sans fous ? »
Le film de Philippe Borrel pose un regard particulièrement pertinent sur les questions qui se posent aujourd’hui dans la société à propos de l’accueil de la folie, des maladies mentales, et par extension de la souffrance psychique, questions sur la place de la psychiatrie, et ce que l ‘on appelle la « santé mentale ».
Depuis de nombreuses années, nous assistons à une augmentation croissante des patients laissés pour compte dans la rue, mais aussi en prison. Parallèlement à cette situation l’accueil et l’accès aux soins sont de plus en plus difficile. La continuité des soins qui était pourtant au centre de la politique dite de secteur psychiatrique est mise à mal.
De multiples facteurs sont en cause. J’évoquerai rapidement la transformation de la formation tant des psychiatres, que des infirmiers, mais aussi d’autres professionnels. À cela les effets de l’envahissement de la gestion, d’une approche économique, mais aussi de ce que l’on appelle l’idéologie de l’évaluation sont indéniables. Les difficultés budgétaires, la réduction des effectifs, la diminution des lits d’hospitalisation sans un développement conséquent de structures de soins alternatives viennent compléter le tableau. Cet ensemble met au second plan un élément essentiel : quelle est la conception de la maladie mentale, de la folie dans notre société ?
Approche humaine et digne, place et responsabilité des patients dans le dispositif de soins, écoute, place de la parole et de l’histoire de chacun, prise en compte de l’entourage, diversité des thérapeutiques ?
Ou médicalisation et primauté des traitements médicamenteux ?
De tout cela, le public le plus large doit débattre : ce n’est pas l’affaire des seuls professionnels. Les projets législatifs, l’approche strictement sécuritaire actuelle nécessitent que se développent au niveau local, régional et national les débats les plus larges face à la complexité à laquelle nous avons à faire face.
Car ce n’est qu’en prenant le temps dans le cadre de soirée comme celle-ci, dans l’organisation de débats citoyens, que nous pourrons affronter cette complexité, réfléchir, élaborer des propositions, inventer une véritable « hospitalité à la folie ».
Dans cette époque où l’émotion, l’urgence, l’accélération semblent reléguer, empêcher la pensée, les débats, la discussion, voire « la dispute », sont essentiels pour faire pièce aux « solutions » simplistes, qui donnent l’illusion de régler toute question !
À cette illusion, s’ajoute l’imposture : celle de transformer le sens des mots. Un projet de loi de réforme de la loi sur les hospitalisations avance un nouveau terme, « soin sans consentement », qui en fait s’avère être une extension de la contrainte, du contrôle et une atteinte aux libertés individuelles !
Nous sommes confrontés à une régression, prônant un retour au grand renfermement, tournant le dos aux progrès réalisés par la psychiatrie depuis cinquante ans.
Les conditions de vie, le cadre de vie, les conditions de travail, les difficultés sociales, la précarisation, génèrent aussi de la souffrance psychique, un malaise dans le social, des attaques du lien social. La médicalisation de ces situations, de ces retentissements, ne doit-elle pas être interrogée ?
L’envahissement de l’idéologie de la norme, sous couvert de la notion de « bien – être » vient parachever le tableau.
C’est toutes ces questions que le collectif des 39 souhaite porter dans le débat public.
Paul Machto.
4 octobre 2010.
Bravo !
RépondreSupprimer